« La continuité des soins est primordiale pour nos patients ! »
Tous les mois, je donne la parole à une femme qui m’inspire : parce qu’elle est engagée, altruiste, courageuse, drôle, respectueuse.
Laurence G. est cadre infirmière dans le Grand Est de la France. Elle fait face au COVID avec professionnalisme, avec générosité et avec les moyens du bord faute de matériels en quantité suffisante.
Qu’est-ce que le COVID a changé dans votre pratique professionnelle ?
Laurence G.- Je suis cadre infirmière d’un centre de soins dans un quartier dit défavorisé. Avec le COVID, les infirmières qui sont aussi jeunes mamans ne pouvaient plus venir travailler. Au lieu de neuf infirmières le matin, elles n’étaient plus que 7. J’ai donc repris le terrain pour compenser. D’habitude, nous accueillons aussi des patients au centre de soins, j’ai dû intégrer ces rendez-vous aux tournées à domicile.
Surtout, nous avons respecté tous les protocoles sanitaires et nous nous sommes adaptées à leur constante évolution.
Ces protocoles sanitaires ont-ils créé une surcharge de travail ?
L.G.- Oui, c’est évident. Il faut, en permanence, désinfecter tout ce que nous touchons pour la santé de nos patients et la nôtre : désinfecter les piluliers, les boîtes des prises de sang, les poignées de porte et les ordinateurs du centre sans compter le lavage des mains permanent, celui des masques, des blouses… Je dirai que tous ces gestes prennent un quart de notre temps de travail et rallongeant nos journées.
Avez-vous reçu suffisamment de matériels de protection ?
L.G.- Non, et nous sommes en colère ! L’ARS [NDLR : l’agence régionale de santé] nous avait promis, au début de l’épidémie, 18 masques par infirmière par semaine. Nous n’avons jamais vu le moindre de ces masques ! Il a fallu s’organiser en interne. Des entreprises ou des proches nous ont fait don de leur stock de masques ou de blouses. C’était le système D.
Nous avons finalement reçu 6 masques par infirmière et par semaine. C’est insuffisant pour nous protéger et protéger nos patients. La plupart d’entre eux sont âgés, leur santé est fragile voire très fragile. La continuité des soins est primordiale pour eux !
Quel est votre sentiment sur la gestion de crise du COVID ?
L.G. – Je suis en colère. Nous sommes en colère. Car l’organisation des autorités sanitaires a été très lente. C’est la mission de l’Etat de protéger les soignants et cela n’a pas été du tout le cas. En tant que soignants de centres de santé, on se sent oubliés. Quand ils communiquent sur le chiffre des infirmières de l’ensemble de la ville par exemple, nous ne sommes tout simplement pas comptées !
Comment vivez-vous, personnellement, ces journées très tendues ?
L.G.- Pour l’instant, je n’y pense pas trop car nous sommes tout le temps dans l’action. Mais c’est clair que cette situation est très anxiogène car on a peur de l’attraper, de le transmettre à nos patients, à notre famille. Certaines collègues me disent qu’elles partent au travail tous les matins avec la peur au ventre… Je ne vais pas mentir : on passe de très mauvaises nuits.
Propos recueillis par Vanessa Pageot
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